BRENNUS

Polybe est un auteur très intéressant, à propos de la collision dans l’Histoire effectuée entre peuples celtes et Rome, au IV e siècle avant J.-C. Polybe est en effet un descendant de la famille à laquelle appartenaient les ambassadeurs envoyés par Rome devant Clusium, lieu de retraite des Celtes commandés par Brennus (après le sac de Rome). Polybe indique comme causes du départ des Celtes d’Italie, le fait que les…

…Vénètes envahirent leur territoire. Ils conclurent donc un traité avec les Romains, leur rendirent leur ville et revinrent dans leur pays.

Polybe, Histoires, II, 18.

Selon un autre passage de son œuvre :

Les Romains passèrent avec eux un traité aux conditions que les Gaulois voulaient.

Polybe, Histoires, I,6.

Cette version paraît d’autant plus plausible, que ce même auteur mentionne le retour dans la région, une trentaine d’années plus tard (vers 357 av J.-C.) d’une armée celtique, décidée à renouveler un exploit dont il ne restait plus sans doute, après une ou deux générations, que le glorieux souvenir. Bien que les Romains aient alors rétabli leur puissance, …

ils n’osèrent pas, cette fois, leur opposer leurs troupes parce que la soudaineté de l’invasion les avait pris de court et qu’ils n’avaient pas eu le temps de concentrer les forces de leurs alliés

Polybe, Histoires, I, 6.

Il ressort du texte de Polybe que la période critique des rapports celto-romains correspond au décennies du milieu du IV e siècle avant J.-C. Le sac de Rome par Brennus, en 386 av J.-C. avait généré une peur durable du Celte, chez les Romains, ces derniers les considérant comme un ennemi absolu.

Un spécialiste actuel, l’éminent Yann Le Bohec est intervenu sur Radio France récemment, au sujet des origines de la conflictualité entre Romains et Celtes. Extraits choisis de son intervention ci-dessous :

Après avoir vaincu les Romains lors de la bataille de l'Allia, et mis à sac Rome, les gaulois sénons et leur chef Brennus exigent une lourde rançon (début du IVe siècle av. J.-C.)
Après avoir vaincu les Romains lors de la bataille de l’Allia, et mis à sac Rome,
les gaulois sénons et leur chef Brennus exigent une lourde rançon
(début du IVe siècle av. J.-C.) © AFP – BIANCHETTI STEPHANO / LEEMAGE

Qui est Yann Le Bohec ? Il a bercé mes années universitaires, en section Histoire romaine… Mais pas seulement, lisez ci-dessous :

Yann Le Bohec, professeur émérite de l’Université Paris-Sorbonne, auteur de Histoire des guerres Romaines (édition Tallandier) était invité à répondre à la question de Gabriel qui se demandait, dans l’émission des « P’tits bateaux » « pourquoi les Gaulois ont fait la guerre aux Romains, ou vice-versa ?« . L’occasion de retracer les premiers affrontements que se livrèrent les Gaulois et les Romains bien avant la conquête décisive de la Gaule par César en 52 av. J.-C… 

Ce sont les Gaulois qui ont commencé…

Yann Le Bohec

Rome était une ville déjà riche, prospère […] les Gaulois étaient animés par une volonté qui était très simple : le pillage. Les Gaulois étaient terrifiants pour une raison qui va vous surprendre : parce qu’ils avaient des yeux bleus et des cheveux blonds. Ils étaient grands et forts quand les Italiens, disait César, ‘étaient petits et bruns’. Ces attaques, qui ont eu lieu au cours du IVe siècle av. J.-C, ont eu la fâcheuse conséquence de faire des Gaulois l’ennemi héréditaire des Romains. 

Yann Le Bohec

VOICI CI-DESSOUS l’ARTICLE COMPLET ETAYE PAR L’EXPERTISE DE YANN LE BOHEC (source Radio France : https://www.radiofrance.fr/franceinter/batailles-historiques-savez-vous-que-les-gaulois-ont-attaque-les-romains-en-premier-4280087)

Quand les Gaulois attaquèrent les premiers en 390 av. J.-C (voici le regard d’expert de Yann Le Bohec)

Dans l’imaginaire collectif, la grande date symbolique qui nous vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on conçoit la rencontre entre les Gaulois et Rome, c’est la victoire romaine, décisive, à Alésia en -52 av. J.-C., menée par le proconsul Jules César. Elle met fin à la Guerre des Gaules et signe la défaite de la coalition gauloise menée par Vercingétorix. C’est très bien mais, en vérité, c’est commencer par la fin. 

Il nous faut remonter au début du IVe siècle av. J.-C pour connaitre les premiers grands affrontements symboliques entre les Gaulois et les soldats de la République romaine. 

À cette époque, Rome est loin d’être ce grand empire territorial et triomphal qui fascine tant. Si elle présente un grand potentiel, les Romains sont seulement en train de pacifier le territoire « italien » central qui correspond alors à la région du Latium. Rome ne contrôle qu’une région très limitée et n’est encore qu’une puissance mineure en Italie. La Cité-État est encore très vulnérable, la suprématie romaine est seulement en devenir. 

C’est ainsi qu’à partir de 390 av. J.-C, les Sénons, une tribu gauloise particulièrement belliqueuse, opportuniste, en quête de richesses et d’une plus grande zone d’influence territoriale, déferlent vers le sud-est, et commencent par envahir la province étrusque, malmenant sévèrement la sphère d’influence de Rome. Celle-ci se retrouve très rapidement sens dessus dessous. Rome est particulièrement impressionnée par la physionomie de ces Gaulois, en même temps que leur armement et leur détermination sans failles. Ceux qui ne s’apparentent, à leurs yeux, qu’à de simples barbares, sèment partout la panique

Rome est rapidement investie, faute d’un plan de bataille minutieusement planifié par les officiers romains qui enchainent les déconvenues militaires. Ce qui reste de l’armée se replie dans la citadelle du Capitole. Le siège s’éternise sur près de sept mois. Comme dans tout conflit depuis les débuts de l’Histoire, le manque d’approvisionnement fragilise les deux camps armés et un compromis est vite mis en place. 

Le tribun militaire romain sur place et le chef de clan gaulois, Brennus, trouvent un accord : les Romains doivent verser une rançon de mille livres d’or. Mais les Gaulois, au moment de la pesée, ajoutent des faux poids pour alourdir le tribut des Romains. Les Romains manifestant leur indignation, c’est à ce moment que Brennus aurait jeté sur le plateau de la balance son épée et son baudrier en s’exclamant : « Malheur aux vaincus« . Le traité est jugé caduc et les affrontements reprennent de plus belle. Cette fois, les Gaulois doivent fuir.

Méconnu, le siège de Rome par les Gaulois représente pourtant l’un des épisodes les plus symboliques de l’histoire gallo-romaine mais aussi l’un des plus discutés. L’histoire débat encore sur la véracité pleine de cet événement quand bien même l’historiographie gréco-romaine (des auteurs comme Diodore de Sicile, Pline l’Ancien, Tite-Live, Plutarque…) ne manque pas d’en rapporter les faits. Mais comme souvent, la légende a souvent le don de venir se greffer aux faits, pouvant altérer le véritable récit. 

La suite, on la connait, c’est le début officiel de la Guerre des Gaules entreprise par le proconsul romain Jules César contre l’alliance, bien plus conséquente cette fois, de plusieurs tribus gauloises, de 58 à 52 av. J-C. qui aboutit à la victoire romaine décisive à la bataille d’Alésia. La Gaule devient alors une province romaine. 

Et là on peut se poser la question : les Romains ont-ils vécu cette conquête comme une ultime revanche depuis la mise à sac de Rome au début du IVe siècle av. J.-C. par les Gaulois ? Allez savoir ! 

By FredCoulon

Historien antique et auteur du roman historique GUERRE DES GAULES, Tome 1, à paraître prochainement sur AMAZON KINDLE.

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